Tout avait commencé comme d'habitude, les journées à Gidae étaient programmées à la minute près pour les pensionnaires. Thomas, comme la majorité des locataires présents à Gidae, avait fait la file à la cantine pour recevoir son traitement. Son tour venu, il avait pris le petit récipient transparent dans un main et son verre d'eau dans l'autre pour avaler les quatre pilules qui remplissaient le fond du gobelet. Le alpha les avait regardé d'un mauvais œil, comme toujours, mais sa manie de vomir ses médicaments étant devenue connue de l'infirmier présent à la distribution d'aujourd'hui, celui-ci l'avait obligé à rester une heure dans la salle, longtemps après que la totalité des résidents aient quitté les lieux. De cette manière, il pouvait s'assurer que Thomas, même si il allait vomir dans les toilettes, avait bien absorbés le contenu des gélules qu'on lui donnait chaque jour. Ainsi, Thomas était certes plus calme, une chance pour tous les autres mais un vrai calvaire pour le garçon qui voyait ses capacités mentales diminuer à chaque ingestion de ces maudits cachets.

Une fois la permission de sortir enfin reçue, Thomas s'était rendu dans la bibliothèque, il n'aimait pas spécialement cet endroit, le complexe de sa lecture le rattrapant sans cesse, mais il avait réussi à trouver un coin très tranquille près d'une fenêtre, tout dans le fond de la bibliothèque, là où les autres résidents ne se rendaient jamais. Sans doute à cause du fait que cette partie de la bibliothèque n'offrait que des ouvrages très anciens et sans intérêt pour la plupart des personnes présentes à Gidae Senteo. Thomas n'ouvrait jamais ces livres, ni aucun autre livre de ce centre d'ailleurs, il se contentait juste de rester assis là, le regard perdu dans le vide, observant le va et vient des pensionnaires, se demandant le crime de chacun. Comme à chaque fois, les médicaments qu'il ingurgitait en masse, le mettait dans un état second pendant quelques heures. Alors comme chaque jour, il attendait que l'état presque végétatif dans lequel il se trouvait passe, assis sur sa chaise. Thomas ne pensait à rien de bien particulier pendant cette passage, ses pensées étant emprisonnées dans les antidépresseur qu'on lui faisait prendre. Ses yeux marrons parcouraient juste la pièce, de ci et là, se posant parfois sur un objet ou personne en particulier, avant de reprendre sa route, balayant encore et encore le même périmètre. Son regard se posa alors sur une jeune fille qu'il n'avait alors encore jamais vu auparavant. Une nouvelle pensionnaire ? Elle avait l'air de trop connaître les lieux pour en être une. Alors que faisait-elle là ? Le garçon se redressa un peu sur sa chaise, éprouvant une soudaine curiosité pour la demoiselle qui feuilletait maintenant un livre, regardant de temps à autre autour d'elle, comme si elle attendait que quelque chose se passe. Elle avait peut être un rendez-vous. Quoi qu'il en soit, elle captivait désormais le regarde de Thomas.

Le jeune homme ne put s'empêcher de remarquer qu'elle était très jolie, et un léger vent qui soulevait délicatement quelques mèches de ses cheveux la rendait encore plus belle. Thomas détourna son regard pour jeter un œil à la fenêtre situé près de la jeune fille. Elle était fermée alors d'où pouvait bien provenir ce vent ? Le alpha examina un peu plus les alentours, pour bien se rendre compte qu'aucune fenêtre n'était ouverte dans la pièce et que le vent qu'il voyait n'était qu'une hallucination comme il en avait souvent. Et bien qu'il n'en avait jamais conscience, il associa ses médicaments à ce phénomène plutôt étrange, sauf qu'il ne le focalisa pas sur le vent uniquement, mais bien sur l’entièreté de la personne. Pour lui, cette jeune fille était une hallucination, et comme il le pensait, les médicaments qu'on lui donnait étaient véritablement nocif pour sa santé. Comme toujours, incapable de discerner le vrai du faux, ignorant son état, n'analysant pas les éléments pour arriver à une conclusion logique. Oh mais pour lui, tout cela était très logique. Les psychologues du centre n'arrêtaient pas de lui répéter qu'il était victime d'hallucinations et que ce qu'il voyait n'était parfois pas réel, que les médicaments qui lui étaient prescrits en pouvaient lui faire que du bien. Pour lui, le rapprochement était désormais clair, lui qui, selon lui, n'avait jamais eu d'hallucinations, était en train d'en avoir une, comme par hasard, juste après avoir avalé ses dragées surprises. Le côté paranoïaque du garçon reprit très vite le dessus, ignorant les barrières construites par les médicaments, il ne les prenait pas de façon assez régulières pour retenir cette facette de sa personnalité et maintenant, il allait encore faire des dégâts sans que Thomas ne puisse se rendre compte de quelque chose.


Le jeune homme se leva brusquement, trop brusquement d'ailleurs vu le vertige qui le tourmenta pendant quelques secondes, le temps de retrouver son équilibre. Doucement, comme si il avait peur de l'effrayer, il se dirigea dans sa direction, ne la lâchant pas des yeux, ignorants les autres qui le regardaient d'un œil interrogatif. En quelques pas, il arriva à sa hauteur. Dans un premier temps, il ne prononça aucun mot, mettant sans doute la jeune fille assez mal à l'aise, toisée ainsi du regard. Thomas se décida alors à lui adresser la parole, se sentant pourtant lui même gêné de parler à une illusion, les autres pouvant le juger et se moquer de lui, chose dont il avait l'habitude mais qu'il ne supportait pas mieux pour autant.

« Tu n'es pas réelle. ».