Il est de notoriété publique que, dans l'esprit, de n'importe quelle râleuse attitrée plus ou moins compétente, passer une mauvaise, voir très mauvaise nuit, ne pouvait signifier qu'une mauvaise journée en perspective. Déjà, à cause du manque de sommeil et également à cause de cette malheureuse chance appelé la continuité des choses. Qui fait que le monde ne change pas en un instant et que, à moins d'une volonté de fer, une journée suivant une nuit pourrie ne pouvait être que tout aussi pourrie elle aussi. En ce doux matin, au vu de la nuit qu'elle venait de passer, Im Jinah n'aurait pu contredire cet adage.

En fait, pour tout dire, ce n'était pas seulement sa nuit qui avait été pourrie ; en ce moment, c'était toute sa vie qui partait en vrille. Une sorte de cercle vicieux s'était emparé de son existence, entraînant tous ses problèmes à sa suite. Que c'était son manque de sommeil dû à ses sorties nocturnes, son travail scolaire qui laissait à désirer, cette rumeur de bébé qui ne cessait d'enfler à travers l'université ou ses cheveux qui refusaient de se laisser apprivoiser, tout partait en vrille dans sa vie. Et plus le temps passait, plus c'était vrai. Ce matin-là, Jinah s'était donc levée dans l'optique « j'emmerde le monde puisqu'il m'emmerde. ». Peu importe le programme de la journée qui l'attendait, les membres de son groupe avaient toutes su comprendre qu'il ne valait mieux pas lui parler pendant qu'elle prenait son petit-déjeuné – composé d'un verre d'eau, d'une orange et quelques comprimés vitaminés – d'un air maussade.

Forcément, dans un pareil état d'esprit et avec aussi peu d'heures de sommeil derrière elle, il était facile de deviner que Jinah n'avait pas sa meilleure tête ce matin-là. Des yeux gonflés plus petits que d'habitude, un air mi-hagard mi-assassin, des cheveux ébouriffés dont quelques mèches s'étaient miraculeusement teintées de rouge. Mais qu'importe n'est-ce pas ? Ce n'était pas son problème à proprement parler, les maquilleuses et coiffeurs se chargeraient d'arranger ça avant leur montée sur scène, dans le cas contraire, elle n'aurait qu'à faire sa diva. Avec une tête maquillée et coiffée, la journée ne pourrait qu'aller mieux. C'est donc d'une petite voix pratiquement inaudible qu'elle posa son verre sur la table afin de s'adresser à la première fille qui sortait de la salle de bain ; à quelle heure devraient-elles se rendre aux studios d'enregistrement ? ...

Et puis, il y a des fois, où lorsqu'on pense avoir toucher le fond, on se rend compte qu'en faite il y a toujours pire qui nous attends. Parce-qu'il avait fallut qu'aujourd'hui ce soit le jour de cette fichue émission à laquelle on l'avait obligé à participer. Et parce-qu'elle n'avait que vingt minutes pour être prête. Alors, oui, vraiment, y a des matins, des journées, des moments où rien ne va. On court dans sa chambre, brosse de cheveux dans la main droite et brosse à dent dans la main gauche tout en réfléchissant à quels vêtements porter. On se prend les pieds dans le câble du chargeur de son portable, on râle, on a envie de crier, de pleurer, d'hurler, de retourner dans son lit et d'envoyer ch.ier le monde entier. Ouais. Mais pas Jinah. Avec une lenteur exaspérante, elle se dirigea vers sa chambre, un peu confuse sur le choix de ses vêtements avant d'opter pour un simple shirt et tee-shirt.

Habillée, elle se posta devant son miroir armée d'une brosse. Amusée et exaspérée par les mèches rouges un peu éparpillées dans sa tignasse blonde. Les miroirs sont vicieux, vous savez. Ils sont méchants, même. Ouais, parce-que les matins où tout va mal, eux, les traitres s'amusent. A refléter votre satané reflet en le rendant plus, soyons francs, laid que d'habitude. « T'es moche, t'es bête, t'as grossis. T'as une sale tête, laideron. » auraient pu crier ces foutus miroirs à n'importe qui. Sauf à Im Jin Ah, bien sûr. Parce qu'elle contemplait sa tête de débauchée avec un air de pur amusement avant de démêler sa chevelure en écoutant d'une oreille distraite la conversation qu'entretenaient les autres filles dans la cuisine. Maquillée, du moins juste assez pour pouvoir faire semblant d'avoir passé une agréable nuit, chaussée d'une paire de botte en caoutchouc, enfin, la chanteuse consentit à accélérer ses gestes. Portable, clefs, carte de crédit, porte-feuille, miroir, parfum, étuis à lentille, démaquillant, vernis, peigne, dissolvant, ticket de métro, le minimum vital en somme était contenu dans son sac.

Et puis enfin, ô enfin, la demoiselle quitta son appartement pour descendre les escaliers de l'immeuble jusqu'à se retrouver dans la rue. Il faisait encore assez tôt, en faite, la rue était calme comme souvent, seule une voiture garée non loin de là attirait un peu l'attention. Maintenant, éclaircissons les choses, comment Im Jin Ah, s'était arrangée pour échapper au stresse des fameux-matins-où-tout-va-mal. Une seule pensée avait réglé tout ses problèmes ; Jung Byung Hee. C'est comme ça que la miss s'était docilement résolue à prendre tout son temps pour se préparer sans stresser avant desortir rejoindre son partenaire de trajet. La demoiselle ouvrit la portière avant de la voiture et s'engouffra à l'intérieur.

« Salut, Byung Hee. » dit-elle d'un ton joliment charmeur en attachant sa ceinture.

Non, elle n'avait pas l'intention de s'excuser pour ses trente-cinq minutes de retard. C'était à prévoir.