Alexeï se leva du canapé, adressant à sa petite-amie un regard exaspéré. Ce qu'elle pouvait être énervante depuis des mois et c'était loin de s'arranger en allant. Il souffla de lassitude en fermant les yeux, attrapant ensuite sa veste qu'il garda à son bras. « Tu m'étouffes et tu ne me fais pas confiance. Résultat : tu m'emmerdes vraiment. On va s'arrêter là avant que j'en vienne à te haïr. » Sans chercher plus loin, il décida de sortir. Si ça lui faisait mal ? Non. Il n'avait pas éprouver le moindre sentiment amoureux pour quelqu'un depuis que la fille qu'il aimait lui avait caché un événement de taille. Autrement dit, cette idiote avait omis de lui préciser qu'elle était enceinte quand il l'avait quittée. Merci beaucoup de lui avoir foutu un gosse sur la conscience alors qu'il n'avait jamais rien demandé de ce genre. Il était comme traumatisé, donc. Si chaque fois qu'il aimait quelqu'un, un mioche lui tombait dans les bras, il préférait encore être un vrai connard avec toutes les filles qui lui tournaient autour. Cela revenait, en définitive, à prendre du bon temps sans se prendre la tête. Mais celle qu'il venait de larguer sans pitié était d'une jalousie vraiment handicapante et s'il y avait bien quelque chose qu'il ne supportait pas, c'était de se faire castrer par la paranoïa de sa dulcinée. Oui, il avait son petit succès auprès de la gent féminine et il en profitait grandement mais il était fidèle. Une fois qu'il était avec une fille, il s'en tenait à cette relation. Il comprenait et appréciait donc la petite jalousie dont tout être humain était normalement constitué, mais celle qui s'élevait à un tel niveau qu'il ne pouvait plus bouger un pied sans devoir se justifier n'avait même pas lieu d'être quand on le connaissait bien. Ça le soulait purement et simplement.
Il passa la porte sans se retourner, ne prêtant pas attention aux pleurs de sa toute nouvelle ex, et referma derrière lui en soupirant. Journée pourrie. Oh oui, journée pourrie. Il aurait dû s'en douter quand elle lui avait demandé de passer chez elle en pleurant. C'était néanmoins un véritable poids qui se retirait. Y avait-il donc une petite chance pour que la roue tourne ? Le jeune homme prit une grande inspiration et observa la rue en affichant une moue, découragé. Ouais, allez. Peut-être que le reste de la journée sera plus joyeux que le début.

Alexeï sortit donc de l'allée de la maison pour rejoindre le trottoir, une main dans sa poche de jean, l'autre serrant sa veste entre ses doigts. Il comptait retourner à sa voiture, garée un peu plus loin, quand il vit ce type un peu bizarre qu'il avait croisé plusieurs fois à l'université de Yi Sun Sin. Il était encore lycéen mais il lui arrivait de passer là-bas pour voir des amis ou pour se renseigner sur différentes filières d'études supérieures. Et c'était donc là-bas qu'il l'avait vu, toujours par pur hasard. Le coréen se savait majoritairement hétéro mais il lui était déjà arrivé d'être attiré par d'autres garçon et ce fut tout naturellement qu'il s'essaya à la pratique gay. Loin d'être déçu de cette expérience, il l'avait renouvelé et assumait désormais parfaitement sa bisexualité. Alors ce blondinet de l'université lui avait directement tapé dans l'œil mais il n'y avait pas fait beaucoup plus attention que ça. Un physique avantageux et une attitude un peu étrange, c'était tout ce qu'il avait pu constater. Et voilà qu'il était là, sur le trottoir d'en face. Alex, te voilà célibataire et en présence du mystérieux et très beau – pour ne pas dire magnifique – mec qui t'attire à chaque fois. Fonce. Ouais, c'est ça, plus facile à dire qu'à faire. Il ne manquait pas de confiance en lui et il avait l'habitude, presque, d'aborder les gens qui lui plaisaient. Mais étrangement, il se voyait mal l'interpeller, comme ça, dans la rue. Sans parler du fait qu'ils étaient sur un trottoir. […] Il décida donc de passer son chemin, se disant simplement que s'il devait se passer quelque chose, alors ça se ferait naturellement. Et puis dans le fond, il ne savait rien de lui. Ce n'était qu'un type craquant parmi tant d'autres, non ? Non. Il était indéniablement mieux que tous les autres. Ou alors il était déjà aveuglé par sa beauté ? Ohla, on se calme. Un mec parmi tant d'autres... Rien qu'un mec parmi tant d'autres.

Soudain, un homme plutôt âgé le bouscula sans faire attention, sa canne tombant par terre. Oups. Alexeï l'aida en la ramassant et s'excusa même s'il n'était pas en tort, histoire de rester respectueux envers son ainé. Le petit vieux lui adressa un sourire puis poursuivit son chemin en lâchant un « Aehm. » En un regard, le lycéen s'assura que le pépé avançait sans problème puis il se releva doucement. Mais c'est alors qu'il subit une attaque inattendue. « AAAAAAAAAAAAAH. PUTAIN. » Ses yeux brûlaient littéralement, comme si des flammes lui sortaient des orbites. Il était parfaitement incapable de voir quoi que ce soit et tout le monde devait le prendre pour un fou dans cette rue. Mais qu'est-ce qu'il avait, mon dieu. « C'EST QUOI ÇA ?! BORDEL DE MERDE. » Journée pourrie. Hé oui, on en était toujours là. Pas franchement de bonne humeur, il devenait alors grossier. Il ne comprenait absolument pas ce qui lui arrivait. Sa veste tomba au sol, ses doigts frottant énergiquement ses paupières. Mais ça ne lui fit que plus mal. Gémissant de douleur, il cacha son visage dans ses mains, ses yeux commençant naturellement à pleurer, et s'accroupit instinctivement. Comme si se recroqueviller sur lui-même allait l'aider à supporter la douleur. Peu importe ce qu'il s'était passé, peu importe ce que quelqu'un ou quelque chose lui avait fait, on ne l'avait pas loupé. Il cessa de crier, souffrant juste en silence au bord du trottoir comme un pauvre petit enfant. « Oh mon dieu, ça doit faire horriblement mal. » Une voix complètement inconnue. Qui était-ce ? Il ne savait pas du tout mais le ton que Mr.X avait utilisé ne lui plut pas du tout. Sur la défensive et sur les nerfs, il ne contrôla pas ses paroles. « NON, tu crois ?! » Alexeï, en toute circonstance, adorait l'ironie. Les larmes qui noyaient tout son visage continuaient de rouler sur ses joues et semblaient lui dire ''c'est bon, on a éradiqué le mal, tu peux rouvrir les yeux.'' Ce qu'il fit donc, relevant la tête vers son interlocuteur mystère. Un voile blanc. Ce fut tout ce qu'il put voir. « Rah, ça pique, putain. » Il tenta une nouvelle fois de masser ses yeux tout rouges. Vision d'horreur. « En même temps, quel idiot fait peur aux gens comme ça... » Pardon ? Qu'avait-il fait à part aider un pauvre petit vieux ? Sérieusement. Le coréen préféra ne rien répondre, sachant très bien que ses mots dépasseraient sa pensée. Oui, voilà, il allait juste agoniser au sol, dans le noir complet. Et ça serait très bien.

Journée pourrie.