Ne te précipite pas. Tu as encore le temps! Arrête de te dépêcher, ne vois-tu pas que les conséquences ne sont pas celles que tu espères? Ton angoisse augmente et tous empire. Tes mains tremblent et couper te demande des efforts qui ne devraient être. Laisses un peu de calme t'envahir, tout ira mieux tu verras. Mais sais-tu ce qui te sera salvateur? N'en demande pas trop à toi même, acceptes tes difficultés et apprend d'elle. Tu n'es pas mauvaise, je t’entends presque le penser. Une empotée? Je n'ai jamais vu ceci en toi. Tu ne sais être patiente. Tes capacités ne sont encore qu'à l'état brut, tu te dois de les polir. Et ce travail ne se fera guère maintenant. L'impatience est un défaut de jeunesse. Et avoir une conversation mentale? Sûrement la sénescence. Être perfide qui n'allait pas tarder à venir taquiner Ryeo Won. N'allait-elle pas sur ses trente ans? Quelques rides bientôt allaient apparaître et sa raison lui jouer des tours. Comme à l'instant même? Après tous, la demoiselle ne parlait pas réellement à cette élève. Pourquoi le faire? Du moins pas maintenant. Elle n'aurait fait qu'humilier cette adolescente déjà complexée. Les regards de ses camarades se seraient posés sur elle et sa gêne aurait été des plus intenses. Cela ne l'aurait aidé et c'est ce que voulait faire la jeune femme. Et ce n'était pas en ces termes qu'elle aurait réussi son objectif. On ne la connaissait pas comme grande parleuse et interrompre le cours pour faire donner des explications qui auraient sonnées comme de vulgaires reproches n'aurait fait que retarder le groupe. Et mettre mal à l'aise certains qui pourtant se débrouillaient parfaitement.
D'un pas tranquille, la coréenne vint se poser derrière l'élève. Oh évidemment, on aurait pu apporter son attention sur elle mais n'avait-elle pas l'habitude de venir corriger des élèves, bons ou moins doués, à toutes ses leçons? Ses mains vinrent caresser les cheveux de la jeune fille, les entrainant en arrière en une queue de cheval qu'elle noua avec l'élastique qu'elle avait pris dans sa propre chevelure.

"Mets-toi dans de bonne condition pour travailler. Les mèches devant tes yeux viennent t'irriter, titillant ta nervosité bien plus que la tâche ardue que je te demande."

Un geste déplacé? Seuls les esprits tordus pouvaient penser ainsi. Que faisait-elle de mal? Ses paumes ne tardèrent d'ailleurs pas à se poser sur les doigts de son apprenti. Avec douceur et une agilité intrigante, le professeur fit mouvoir les mains de l'adolescente comme si s'étaient les siennes. Si la demoiselle se figea, elle ne tarda pas à se détendre en se voyant réussir. L'aide? Elle en avait sans nul doute conscience mais un peu de confiance en soi revint briller en elle. Oh Ryeo n'était pas devin, loin de là mais les moldus affirmaient que les systèmes nerveux possédaient des neurones miroirs, s'imprégnant des réactions et émotions d'autrui. De façon inconsciente. Etait-ce ce qu'il se passait? Possible bien que la botaniste aurait affirmé que derrière ces termes si scientifiques se cachait simplement l'empathie.

"Tu vises la perfection, oubliant que c'est d'abord par des erreurs que tout se créer. Bien avant de marcher, l'homme rampe. Il se déplace à quatre pattes puis tente de se lever. Il titube, s'aide du mur et souvent chute. Pourtant il se relèvera et peut-être refera-t-il les mêmes erreurs mais petits à petits il apprendra d'elles. Et il ne finira pas se déplacer, il arrivera même à courir."

Ryeo Won afficha un large sourire. Quelle métaphore stupide! Pourtant les enfants adoraient ça à leurs âges où ils en venaient à tous remettre en question. Philosophie? On ne l'enseignait pas sans raison dans les lycées après tous. Mais l'heure n'était pas aux réflexions. Le cours venait de se finir à son plus grand dégoût. Ce qu'elle ne pouvait supporter que ses activités soient suspendues! Laisser des travaux en suspens était si désagréables. L'enseignante frappa plusieurs fois des mains, signalant ainsi l'achèvement de la leçon. Serait-ce surprenant d'affirmer que les petites têtes pensantes ne se firent pas prier pour s'en aller? Des salutations polies fusèrent en direction de la future trentenaire qui répondit avec toute sa chaleur. En parlant de température, elle fut des plus heureuses de ne pas avoir à mettre les pieds dehors avant un bon moment. Regagner le château? Dans quel but? Elle n'aurait rien à y faire. Et ses plantes demandaient tant de soins...Ne vous méprenez pas! Si on pouvait l'insulter de folle, elle ne faisait aucunement partie de ces femmes ne vivant que pour des pousses vertes, en faisant ainsi une sorte de famille. C'était sa passion tout simplement et continuer de bosser même quand elle ne se devait le faire était guère une corvée à ses yeux. Mais toutes tâches n'étaient pas forcément des plus plaisantes. Comme ranger le matériel. Utiliser la magie? Ce n'était qu'une option de facilité. Et sa vie moldu l'avait habitué à recourir que trop souvent à ses mains, même lors d'exercices épuisant.

Trier les pinces n’avait que peu d'intérêt. Son imaginaire vint s'offrir à elle. Il était un de ses plus chers amis. Il ne la quittait que peu. Sinueux, dérangé, tordue et improbable voilà comment il était. Et y rentrer sans s'y perdre était impossible. Oui, Ryeo Won n'entendit la porte de la serre s'ouvrir tout comme les pas s'approcher de son être. Les deux mains sur ses épaules la firent sursauter. La réalité refit surface. Son regard se détourna du tas de ferrailles pour se poser sur un professeur des potions dont le froid avait rosis les joues. Sûrement l'aurait-elle trouvé un brin attendrissant ainsi si sa méfiance n'avait été aussi violente. Que lui voulait-il? Recommençait-il ses mauvaises blagues? N'avait-il pas mûri? Une remarque acerbe, voilà à quoi la demoiselle s'attendait. Mais aucune ne vint, l'apaisant. Ses dents se dévoilèrent alors.

"Ne vous inquiétez pour moi. Je suis sûre que votre présence me reposera."

Etonnant n'est-il pas? Cet être qui l'avait fait tant souffrir pouvait la mettre à l'aise. Du moins quand il décidait de ne pas l'humilier comme il savait si bien le faire. Cela enlevait souvent tout le charme que la jeune femme lui trouvait. Sa demande...Elle savait qu'elle se devait de ne pas y répondre négativement. Agaçant! Voilà ce qu'il était! Il l'irritait! Pourquoi ne pouvait-il pas toujours être adorable? Se devait-il forcément d'alterner sympathie avec mesquinerie? Un homme lunatique, voilà ce qu'il était! Et Ryeo Won se détestait de ne pas pouvoir le mépriser pour ce caractère si....complexe et capricieux. Oui, elle ne pouvait se mentir, le voir lui plaisait plus que tout. Et passer du temps à sa compagnie serait plus agréable que discuter avec une fleur.

"L'ellebore? Qui voulez-vous empoisonner? Les moldus l'ont longtemps utilisé comme antidote contre la folie, je suppose que vous ne l'ignorez aucunement. Pourtant ils ne savaient s'en servir et cueillaient la mauvaise espèce d'ellebore. Ainsi, la démence n'était pas guérie mais accentué. Nous avons une potion de paix bien moins dangereuse chez nous, sorciers, mais venant d'un être aussi sombre que vous, je pense que l'envie d'infliger une mauvaise punition à un drôle d'élève serait plus plausible.Je ne vous dénoncerais pas! Vous pourrez dormir en paix. Par contre, vous vous doutez que je ne rends pas service gratuitement. Laissez-moi réfléchir...Que puis-je demander à un aussi noble seigneur?"

L'enseignante mima la réflexion. Exagérée? Evidemment, elle cherchait à détendre l'atmosphère. Pourquoi demander de payer pour si peu? Elle n'était aucunement vénale! Ses index finirent par se poser de part et d'autres des lèvres du sorcier et tira légèrement dessus, sans forcer.

"Votre beau sourire me suffira. Qu'en pensez-vous?"