« Au fond. Je crois que maman ne nous a jamais aimé.
Au fond, je crois que je n’ai jamais aimé maman non plus. J’ai toujours essayé d’être parfait à ses yeux, avec tellement d’acharnement que je finissais par me perdre moi-même dans cette perfection synthétique, sans la moindre importance si ce n’était de paraitre pour quelqu’un que je n’étais pas réellement. Je ne peux dire si c’est parce que j’étais au courant de tout, ou simplement parce que me pensais amoureux de ma mère. Ne vous méprenez pas, il m’était bien impossible d’éprouver une quelconque pulsion pour cette femme et peut-être que ce mot est mal choisi en fin de compte. Je dirais plutôt que j’étais « en amour » pour cette mère. Moi oui, elle.... j’en doute encore sincèrement. De toute façon je crois qu’elle n’aimait pas papa non plus. Peut-être parce qu’il est un sang pur ? Une vie avec un sang pur est ennuyante, c’est ce qu’elle pensait, je crois. L’aventure, elle était fougueuse, trop sans doute. Trop pour notre famille, c'est certain. Finalement, sue est venue au monde et j’ai compris. Sue n’était pas ma sœur, pas ma « vraie petite sœur ». Elle n’était pas sang pur et jamais elle ne serait tolérée aussi bien que moi dans ma famille. Jamais elle ne suivrait le même parcours que moi, pas même à l’école. Cela ne m’a pas empêché de l’aimer comme mon double, jamais. Elle était si belle, si douce, comprenez. Son sourire me faisait chavirer le cœur, ornait mes yeux d’étoiles scintillantes. Elle était mon soleil et ma raison de vivre. En fait, suyeon était mon âme sœur et je n’ai aucune honte de l’avouer. Mais là encore, ce n’était pas trop grave. Tout s’est gâté quand l’éloignement du sang s’est fait ressentir entre elle et moi. Des séparations à n’en plus finir et j’avais comme l’impression qu’on m’amputait directement de mon cœur. Je ne pouvais pas me résoudre à vivre loin d’elle et petit à petit j’ai commencé à cultiver une rage incommensurable pour cette mère trop frivole, trop stupide et égoïste. Plus on me séparait de sue sans raison, plus je la haïssais du fond de mon âme. Je regrette bien ce passage de ma vie, ce passage ou je n’ai plus rien contrôlé. Tout s’est envolé en fumée et je crois qu’au fond j’ai moi-même ruiné ce qui me restait de petite sœur. Je ne tiens pas vraiment à m’étaler, même si il serait plus juste de faire face à cette horreur. J’ai ardemment désiré tuer cette mère si insensible, soit d’avoir trompé toute notre famille, soit d’avoir mis sue au monde. Oh, pardon encore. Je l’avoue, oui, il m’arrive parfois de regretter sa naissance, surtout quand je pose les yeux sur elle et que la culpabilité me revient en pleine poire comme un boomerang. Je ne supporte plus, je ne me supporte plus. Ce n’était pas sue qui devait souffrir, c’était cette catin, uniquement. Et je sais que rien ni personne ne pourra pardonner et essuyer mon geste. Malgré tout, je n’ai pas été condamné, ni même accablé. La seule chose qui me permet de tenir est ma rudesse d’esprit et ma torture mentale. Que l’on me pense masochiste ne m’intéresse pas vraiment, je crois que je le suis pour une bonne raison. De toute façon, personne n’est au courant de toute cette histoire, de tout le mal que je peux me faire en compensation. Je ne suis pas là pour attirer les regards, ils m’insupportent en réalité. Je ne veux pas être jugé ni même pris en pitié parce que je sais que je suis le seul fautif et que je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Alors voilà, on me trouve froid, distant. C’est vrai que je n’ai pas beaucoup d’amis et que l’expression de mon visage n’est pas très accueillante. Je ne fais pas partie de ces personnes très avenantes et sociables, mais je crois que c’est par crainte d’être découvert et jugé. D’être rejeté peut-être et traité comme un monstre. Je peux jurer devant dieu que jamais je n’ai souhaité le mal de ma sœur et que je regrette tous les jours sans exceptions l’accident que j’ai produit. Je ne supporte pas qu’on l’approche ou qu’on essaye de lui faire le moindre mal. Je suis jaloux d’une part, et terrorisé à l’idée qu’elle puisse disparaitre outre le fait que je me sente redevable éternellement. Cela dit je ne pense pas être une mauvaise personne. Je parais beaucoup de choses ; perfectionniste, hautain et sûr de moi. Je suis un homme devant les autres mais je broie mon esprit quand je suis tout seul. Peut-être que je ne suis qu’un enfant perdu, je n’en sais foutrement rien. Le fait est qu’elle me manque à tous les coups.

Mes pulsions me dévorent et me détruisent, je l’ai toujours su. »

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