Pourquoi se mentait-elle? Pourquoi préférait-elle se lamenter sur son sort plutôt que d'admettre que cette situation ne lui déplaisait pas autant? Oui, au plus profond de son être elle l'avait senti. Née d'une simple flamme à peine plus importante qu'une vulgaire étincelle, l'excitation était apparue. Non, elle ne brûlait en elle tel le plus violent des brasiers. Mais la légère chaleur qui s'en dégageait suffisait à nourrir l'engouement de la demoiselle à se trouver en ce lieu. L'amuser? Mieux valait que non. Comment aurait-elle pu considérer un seul instant tous ceci comme une vulgaire distraction? Le feu se consumant en elle était tout autre. Il ne réduisait aucunement en cendre l'angoisse qui parasitait tout son être depuis tant de nuits mais animait une impression d'importance en elle. Sans pour autant prétendre à ce qu'elle n'était et ne serait jamais, la libraire savait que sa quête n'était aucunement futile. Et elle espérait que celle-ci ne serait pas vaine. Mais même si Svetlana endossait à présent un rôle qu'elle considérait comme primordial dans le bien-être des villageois, elle n'en oubliait pas qu'elle partait avec rien. Oui, son enquête ne commençait avec aucune preuve, aucune piste. La jeune femme se lançait-elle à l'aveuglette? Elle avait assez d'intelligence pour savoir où commencer à chercher. Ou du moins où continuer à le faire...Demander de l'aide n'avait pas porter ses fruits. Personne n'avait même daigné de ce qu'ils avaient pu voir, entendu ou remarquer d'étrange lors de disparitions antérieures à celle de sa propre soeur. Fermait-on les yeux? Avait-on trop peur? Mais surtout, avait-on déjà de donner une explication à ce phénomène étrange?

Elle était donc là à présent, installée à une table d'une taverne à observer ceux qui l'entouraient. Ses qualités d'observatrice étaient portés à l'extrême. Il fallait qu'elle entende! Il fallait qu'elle remarque! N'importe quoi mais suffisamment pour lui donner une direction où aller. Une bribe de conversation ou un comportement étrange aurait suffit. Mais il n'y avait pour l'instant rien à présent. Le tavernier était fidèle à son habitude, piaillant avec les clients sur des idioties parfois déplacées. Quant à ces derniers, leurs conversations étaient des plus stériles. Pourtant il y régnait une ambiance étrange comme étouffante. La peur était palpable. Une angoisse que tous le monde taisait et que la bonne humeur sûrement factice ne permettait à dissimuler entièrement. On ne pouvait parler de ce qui terrifiait, et si mettre des mots dessus apportait plus grand malheur que ces créatures de la nuit? Svetlana soupçonnait donc certains d'en savoir plus qu'ils ne l'auraient prétendus. Elle attendait donc là, guettant le moment où l'un d'entre eux aurait l'esprit assez embrumé par l'alcool pour rompre ce lourd silence. Pourquoi ne pas être venu le soir?La taverne n'aurait-elle pas été plus comble tard dans la nuit? Dans un village normal peut-être que oui...Mais la normalité ne s'appliquait aucunement ici. La disparition du soleil forçait bien souvent hommes et femmes à rejoindre rapidement leurs domiciles pour ne pas s'attarder sous le ciel étoilé, désertant alors les lieux de beuveries.

Le temps passait lentement sans que ses observations ne portent ses fruits. Avait-on comprit son manège? Elle tentait d'être discrète. Tous comme cet homme! La demoiselle venait de l'apercevoir. Oh il n'avait rien d'anormal d'apparence, seulement un affamé venu se remplir la panse. Mais contrairement aux nombreux clients, il ne disait mot et ne cherchait à se fondre dans la masse. Sa discrétion semblait montrer qu'il souhaitait guère se faire remarquer. Timide? Associable? Possible mais il avait dans ses gestes quelque chose qui fascinait la jeune humaine. Et elle se prit l'envie d'aller lui parler. Pourrait-il lui porter secours? Répondre à des questions jusque là sans réponses? Pourtant Svetlana ne se leva pas. Un voisin de table entendrait ce qu'elle demanderait à cet étranger et on lui demanderait dès lors de se taire et de ne déranger personne. Elle se devait donc d'attendre. Ce qu'elle fit...Et lorsque sa proie fut repus et passa le seuil de la porte, la demoiselle parti tranquillement le suivre.